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Publié le par caro_30

MARIANNE JAMES
UN COEUR EN NOUGAT


Interview de Céline Magnin, pour Petit Futé Mag

On connaît la diva tortionnaire Ulrika et la sévère jurée de la Nouvelle Star : pourtant, connaît-on vraiment Marianne James ? Elle a certes la voix de l’une et la gouaille de l’autre, mais il suffit de la voir sur scène ou d’écouter son premier album pour entrevoir toute la richesse, la densité de son univers. Marianne passe du rire aux larmes comme du jazz au lyrique, elle gueule comme un rock puis fredonne un air de Bossa Nova...
Paradoxale ? Tout simplement vivante, irrésistiblement humaine avec ce caractère fougueux des montagnes d’Ardèche et la tendresse d’un coeur en nougat.


Ulrika était un personnage- forteresse, est-ce pour briser cette image que l’album commence par le titre Fragile ?

Oui, c’était volontaire tout comme de l’avoir signé par Une chanteuse de chansons et juste titré Marianne James. Il paraît que je suis mystérieuse sur ma vie « people »... Mais pas du tout, je défends à mort ma vie d’artiste, et si j’ai la dent dure avec le people, c’est que ma vérité se trouve sur scène. Six morceaux de cet album viennent du Caprice de Marianne. Ce n’est pas un album pour faire joli, il n’y a pas de fioriture, pas de machines. C’est simple, intimiste et je suis heureuse que mon public retrouve ce que je donne sur scène.


Vous avez écrit et composé certaines chansons ?

Oui... Corps et âme, c’est tout moi ! C’est devenu un superbe gospel grâce à Esther Dobong’na Essienne, la chanteuse qui fait le choeur.
Cette femme est hallucinante, elle est capable de faire 17 voix ! J’ai également composé 3,14, mais les paroles sont de Laurence Boccolini.
Le chiffre Pi est celui des femmes rondes, de leur solitude au milieu d’un corps qui fait muraille. Parce que c’est bien beau de se construire une forteresse, mais c’est surtout toi qu’elle enferme. Il faut savoir ne plus se protéger et prendre des coups.


Vous avez également composé Dans ma rue, un bel hymne à Paris ?

Je trouve incroyable qu’on puisse autant voyager dans une même ville. De Barbès jusqu’au quartier chinois : on peut voir des films en V.O., manger en V.O., aimer en V.O. ! Et puis j’aime l’atmosphère « parigot », un peu à la Régine : le côté zinc et comptoir. J’adore même les défauts de Paris, mais c’est aussi parce que j’y mène une vie de bobo ! J’habite au coeur de la ville et j’ai les moyens de partir et revenir fréquemment. Je vis un Paris de rêve.


Vous devez les autres titres à David André, un véritable complice ?

David est un couturier ! Il est auteur- compositeur-interprète, journaliste pour l’agence Capa ; il a également été rédacteur en chef du Vrai journal de Karl Zéro : son boulot, c’est de percer les blindages sociétaires, politiques... humains. Quand il m’a vue sur scène, il a trouvé que j’avais une vraie nature mais que je n’allais pas au bout. En fait, il m’a poussée à faire un strip-tease : une chanson comme Fragile, c’est sa façon de me déshabiller. Il me connaît bien, il sait que la Marianne « forte » vient de sa fragilité, une fragilité que j’assume.


On connaît tous Marianne, la jurée, mais on ignore que vous faites autant de scène?

C’est vrai, la presse s’intéresse plus à la Nouvelle Star qu’à mon « one woman song ». Je fais 80 scènes par an, je suis donc sur la route quatre mois de l’année. J’ai joué devant 70 000 personnes avec Le Caprice de Marianne et plus de 800 000 avec Ultima récital. Pourtant, malgré toute l’énergie et la folie que j’y mets, on ne me prend pas pour une chanteuse. C’est le contrecoup de la Nouvelle Star. Au début, l’émission m’a permis de tuer le personnage d'Ulrika, mais pour le remplacer, au final, par le
« business people » alors que toute ma vie tend vers la scène. C’est drôle, quand les gens viennent au spectacle pour voir « la dame de la télé », ils sont étonnés de découvrir une nana un peu perchée. J’ai la faculté de renverser le public, de faire un atari comme un sumo. Et à part les bras d’un homme qui serait très bien luné et peut-être aussi une sublime blanquette de veau, je ne connais rien de plus excitant !


Il faut dire que vous avez commencé la musique et la scène jeune ?

Tu vois la guitare sur la jaquette : elle m’accompagne partout depuis 33 ans ! J’ai commencé par faire de la guitare jazz à 7 ans ; je prenais des cours avec Petrucciani à Montélimar. Je suis arrivée à Paris en 1980 pour faire le Conservatoire, puis j’ai un peu tout tenté : j’ai gagné ma vie avec la guitare mais aussi les percussions, j’ai été choriste, coach vocal, j’ai fait du théâtre de rue, de la musique contemporaine jusqu’à ce que je crée Ulrika, ma diva fasciste que j’ai jouée 1 178 fois !


La scène vous a fait voir du pays : y en a-t-il un qui vous a particulièrement marqué ?

Le plus surprenant, le plus atypique fut pour moi le Japon. Je ne me suis jamais vraiment remise des Japonais et du système japonais : c’est aussi passionnant qu’effrayant. Il faut y aller car on le connaît mal au-delà des poncifs à la con. Autrement, j’ai un grand faible pour les îles comme Nouméa...


Reste-t-il un pays que vous ne connaissez pas ?

Je connais bien l’Amérique du Nord, l’Australie, le Maghreb, toute l’Europe, mais je ne suis jamais allée en Amérique du Sud. Je me verrais bien partir 2 ou 3 mois, notamment au Venezuela. J’ai envie d’y traîner un peu, d’aller aux concerts, de marcher dans les favelas, de boire des Caïpirinha et qui sait... d'aimer en V.O. ! Plus sérieusement, j’aimerais y créer une fondation car
toutes les musiques que j’aime viennent de là-bas ! C’est dingue tout ce que tu peux faire avec ou pour la musique : quand j’avais entre 14 et 18 ans, j’ai récolté un tas de blé avec des concerts que je reversais aux assoc’ et à la paroisse pour construire des pompes à eau pour le Sahel.


Vous avez l’air hyperactive, vous ne vous reposez donc jamais ?

Si je veux me reposer, je vais en Ardèche. De mon fief, on voit toutes les Alpes et tout le Massif central. Mais il ne faut pas avoir peur de s’enfoncer sur les départementales : c’est quelque chose qui se mérite ! Quand j’y suis, j’emmène mon chien et l’on part marcher. J’ai mon clan là-bas, je sais où trouver les bons fromages de chèvre, les coins à bolets ou à chanterelles. D’ailleurs, je suis un peu triste de manquer l’automne...


Vous en parlez comme de votre pays, pourtant vous venez d’à côté : de la Drôme ?

C’est vrai, j’ai toujours vécu à Montélimar bien que ma famille soit d’origine ardéchoise. J’aime beaucoup la Drôme et je suis heureuse quand j’y retourne. Mais il y a des choses qui ne s’expliquent pas : quand j’arrive dans la Drôme, je suis contente, mais quand j’arrive en Ardèche : j’ai le coeur qui cogne !

 

Publié dans Presse

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